Purification de l'eau, recyclage de l'oxygène et du carbone, fertilité des sols, production alimentaire, pêcheries, développement de médicaments, esthétique des paysages sont des exemples de richesses fournies gratuitement par les écosystèmes. Selon l'Evaluation des écosystèmes pour le Millénaire (Millenium Ecosystem Assessment), enquête la plus complète jamais réalisée, pratiquement tous les écosystèmes de la Terre ont été transformés par les activités humaines. Le déboisement, principalement lié à la conversion des forêts en terres agricoles, se poursuit au rythme alarmant de quelque 6 millions d'hectares par an de perte de forêts primaires depuis 2000 (1) . Les écosystèmes marins et côtiers eux aussi se désagrègent. Au cours des 20 dernières années, environ 35% des mangroves ont disparu, environ 20% des récifs de corail du monde ont été détruits, et 20% dégradés. L'érosion de la biodiversité est alarmante dans les pays en développement, causée par la "bioprospection" de leurs richesses naturelles et l'appropriation des savoirs traditionnels des peuples indigènes.
Adoptée à Rio en 1992, la Convention des Nations unies sur la diversité biologique reflète l'ampleur et la complexité de la problématique. Les trois objectifs de la Convention sont la conservation de la diversité biologique, l'utilisation durable des éléments de cette biodiversité, et le partage équitable des "avantages" résultant de l'exploitation des ressources génétiques des plantes en particulier. A Carthagène (Colombie), en 2000, un protocole a été signé, sur la biosécurité, entré en vigueur en 2003, pour réguler la circulation désormais mondialisée et assurer la traçabilité d'organismes vivants modifiés. Quant aux aires protégées, relevant du premier objectif de la Convention, elles n'ont toujours pas leur protocole au sein de la CBD.
Le Protocole de Nagoya en attente de ratification
A la dixième conférence des Parties (COP 10) de Nagoya (Japon), en 2010, des progrès marquants ont été enregistrés. Un nouveau protocole résultant de la Convention a été adopté : le protocole dit "APA" (2) , sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages résultant de leur utilisation. Très attendu par les pays du Sud, parmi lesquels les "mégadivers" (qui recèlent une biodiversité exceptionnelle et convoitée), ce dispositif propose un cadre international pour que les bénéfices tirés de l'utilisation des ressources génétiques par les industries pharmaceutiques et cosmétiques soient partagés avec les pays d'origine sur la base d'un consentement préalable.
L'un des enjeux d'Hyderabad sera d'en hâter la ratification. A ce jour, seuls six pays ont ratifié le Protocole de Nagoya : le Gabon, la Jordanie, le Mexique, le Rwanda, les Seychelles et le Laos. Les pays d'Afrique sont concernés par la lutte contre le braconnage des éléphants, pour laquelle ils sollicitent un soutien international. Le Mexique a été la cible de dépôt de brevet abusif sur le haricot jaune, qui a abouti, à l'issue d'une longue procédure, au versement de royalties aux paysans mexicains concernés par ce détournement de savoir ancestral. Membre de la délégation du Parlement européen qui se rendra Hyderabad, l'eurodéputée (Verts-ALE) Sandrine Bélier plaide pour que les 27 Etats de l'Union européenne ratifient le Protocole de Nagoya dans les six mois : "Le vote par les parlements nationaux des 27 permettra d'atteindre plus de la moitié du quota des 50 pays minimum dont la ratification est nécessaire pour garantir l'entrée en vigueur de cet instrument juridique, qui va permettre une répartition plus équitable des avantages tirés de l'exploitation de la biodiversité". Signal encourageant, la proposition de législation de transposition du Protocole de Nagoya sur l'Accès aux ressources et le Partage des avantages tirés de la biodiversité, rendue public jeudi 4 octobre par la Commission européenne, devrait être rapidement soumise au Conseil européen et au Parlement européen.
Réticences à des objectifs quantifiés et financements en attente
Initiatrice de la campagne de mobilisation "Think Biodiversity" en 2010, l'eurodéputée observe l'évolution du contexte, aujourd'hui moins "flamboyant" qu'il y a deux ans : "2010 était l'année mondiale de la biodiversité, et Nagoya a eu lieu après l'échec de la négociation climatique de Copenhague. Le système onusien a alors voulu donner des gages, pour restaurer sa crédibilité. L'Union européenne, divisée à Copenhague, est apparue unie à Nagoya". D'où des résultats politiques sensibles lors de cette conférence.
Si Nagoya a permis d'adopter un "package", celui-ci reste à valider à Hyderabad autour de trois axes : fixer des objectifs chiffrés, en particulier garantir que, d'ici à 2020, au moins 17% des zones terrestres et 10% des zones marines seront classées en aires protégées, assurer la mise en œuvre du protocole de Nagoya sur le partage des avantages, et mobiliser des ressources financières. Ce dernier point est, selon Raphaël Billé, directeur du programme biodiversité et changement climatique à l'Iddri, "le point le plus politique. La mise en œuvre nécessaire à l'atteinte du Plan stratégique de Nagoya dans les pays en développement nécessiterait entre 74 et 191 milliards par an".
La France a annoncé porter ses financements pour la biodiversité à 200 millions d'euros d'ici à 2012 et à 500 millions d'euros d'ici à 2014, "mais on ne dispose pas de chiffres fiables permettant de juger l'atteinte du premier engagement, tandis que les positions restent vagues sur le second", analyse une note de l'Iddri. Pour l'heure, la stratégie française sur la biodiversité, définie en 2011, n'a pas intégré clairement sa stratégie financière. Plusieurs pistes sont à l'étude, qui recoupent les financements innovants d'une taxe sur les transactions financières, et la suppression des subventions nuisibles à la biodiversité, auxquelles un rapport, conduit par Guillaume Sainteny, a été consacré en 2011 sous l'égide du Conseil économique et social. Présente à Nagoya, la ministre de l'écologie Delphine Batho devra clarifier la position française.